Fantômes | Arkhane & Méhénil
Afficher le résumé
Arkhane LohengrimVithang
Mer 10 Juin - 10:50
miroir
35ème de WYRTEN 352
00h12
Les soirées les plus calmes deviennent toujours les plus longues. Elles se tissent subrepticement, seconde après seconde elles se métamorphosent en une coquille de silence anesthésiant qui vous brimbale et vous dodeline. Fil après fil, c’est un cocon qui se forme, qui s’épaissit et qui vous engourdit. D’abord les sens, puis les muscles, et enfin l’esprit. Ce cocon, fait de fils de silence tortueux, est une toile d’araignée qui vous emprisonne, qui vous étrangle et vous étouffe.
Arkhane abhorre ce silence, c’est un vide qui l’écrase et qui l’oppresse, elle se sent insecte sous un rocher, écrasée.
Dans le calme, elle se sent broyée.
00h14
Tout le monde est parti. La porte de l’auberge est close depuis une demi heure, les derniers clients sont montés à l’étage pour profiter du confort d'un lit que son propre sommeil n'apprécie plus.
Elle, elle frotte, elle nettoie, elle astique et elle décrasse.
Sous ses doigts, son éponge et ses torchons, les taches se dissolvent tandis que, dans le silence, son esprit s’effrite. Une bougie vacille, elle se sent flamme frissonnante. La vaisselle, la cuisine, les tables, le bar, le sol, les toilettes enfin. Ses gestes sont mécaniques et ses pensées vagabondes, funambules ou somnambules. Elle les oublie aussitôt qu'elle les a émise. Elle regarde sans voir, agit sans réfléchir.
Elle découvre tardivement la vasque recouverte d'éclats écarlate. La faïence opale est maculée de traces rouges qui laissent une couche grasse sous ses doigts. Sur le rebord, le cadavre d'un tube de rouge à lèvres est à la fois témoin et arme du crime.
Arkhane relève les yeux et découvre ce qui lui a échappé depuis son entrée dans la pièce.
Il y a des longues traînées d'un rouge carmin sur le miroir qui couronne le lavabo. Les traits sanglants cisaillent son reflet. L'un d'eux lui déchire la joue, l'autre lui tranche la carotide. L’image est si soudaine et si violente qu’elle ne se reconnaît pas.
Durant une seconde, une minuscule mais tétanisante seconde, ce n’est pas son reflet qui lui fait face. Elle ne reconnaît ni son menton, ni son nez ni son front, et pourtant, elle les reconnait.
Des lèvres à peine plus fines que les siennes se raidissent, des zygomatiques filées de rides bavent sur des joues éclaboussées de taches de rousseurs. La stupeur fige des traits anguleux jusqu'à tétaniser des yeux sculptés dans une amande azurée, ce sont des mèches rousses, lissées, qui viennent couper au couteau un visage dégoulinant d’un écarlate séché. Le produit cosmétique n’a plus rien d’ornemental, il est devenu sépulcral.
Le sang dégouline de plaies qui n'ont jamais cicatrisées.
Une virulente nausée lui retourne le coeur.
Elle a besoin d'un oxygène qu'elle ne trouve pas.
Ses doigts ébranlés s’abîment sur la poignée de la porte d’entrée dans les gestes d’une angoisse précipitée. Il lui faut une interminable seconde pour réussir à l’abaisser puis à pousser le battant alors qu’elle fait un pas en avant pour rencontrer la froidure brumeuse des rues de la Rocheuse. L’air glacial des nuits de Wyrten lui brûle brusquement les poumons, c’est comme de reprendre son souffle après une trop longue apnée, ça lui déchire les bronches dans une douleur si vive qu’elle lui coupe le souffle de nouveau. Ses frissons se propagent à tout son corps quand elle s’avance sur les marches du perron pour saisir à deux mains la rambarde glaciale qui lui assurera de ne pas basculer.
Méhénil Vassilir
Mer 10 Juin - 19:31
Dans la nuit du 34 W 352 au 35 – Nodotheim/Quartier commerçant/devant l'auberge des Lohengrim
Seconde nuit à Nodotheim.
Seconde nuit, et il n'allait pas retourner à la forge supplier pour le gîte. L'errant n'était plus ce gamin paumé qui allait chouiner prés de la vieille Béthnydé pour un peu de pain ou une couche. Il n'avait pas réellement laissé couler de larme, pas une fois, mais juste apparaître au seuil de sa porte équivalait toutes les suppliques pour lui.
Voler rarement, mendier jamais.
C'était comme un code d'honneur. Et pour un Sheig qui en était presque dépourvu, un peu d'honneur pesait lourd. Celui de ne pas dépendre de la pitié d'autrui était une fierté parfois des plus accablante.
Seconde nuit pour un jeune homme paumé.
Elle avait ses avantages, cette obscurité partielle des villes, comme celui de permettre de parcourir les rues commerçantes sans que le regard incessant du cyvir ne vous scrute. Disséquant avec dédain le moindre soupçon de péché dans l'attente, a peine cachée, d'un faux-pas. Le jour était l'angoisse, la nuit lui répondait en écho que les observateurs étaient esclaves de leurs yeux.
Oui, cette nuit, comme toute les nuits, se devait d'être calme et aveugle.
Méhénil arpentait les rues, puisqu'il le pouvait, montant lentement les pentes pavés vers un promontoire à flanc de montagne, une large place, bordée d'une rambarde de fer et de rouille, de laquelle l'on voyait, en contrebas, la basse-ville et la nouvelle-ville, plus au sud-est. (Ou bien était-elle bien plus ancienne, peuplée de ces bâtiments grandioses d'un passé révolu dans lesquels se gorgeait une fraîche noblesse)
Il frotta ses mains gantés et se calfeutra dans son épaisse cape.
Cette place… c'était là qu'il avait appris à quel point il était petit face au monde. Que tous l'étaient. Woran, comme les moins bien lotis.
Il était fatigué, sans repos depuis l'aube. Et pourtant, il avait le sentiment que le sommeil ne viendrait pas. Une nouvelle fois refusé.
Cette place de nostalgie. Sa main dans celle de sa sœur, leur frère en tête, avançant mêlés aux orphelins pour écouter la prêche du cyvir.
… Qu'était-elle devenue, d'ailleurs sa sœur ?
Il pouffa légèrement et, dans la frimas, ses yeux s’humidifièrent un peu plus.
Cette place équivoque de ce qu'il avait fuit. Là où il savait que rien ne le retenait, et ne le retiendrait jamais, dans cette ville.
Non loin, un fracas.
Une porte qui déchire un coin d'obscurité voilée de brume en un trait de lumière diffus qui vint se mêler aux lueurs éparses des réverbères. La curiosité le poussa à s’approcher, et bien vite une autre déchirure se fit ; celle du silence – durement négocié après le passage d'ivrogne – en des halètements paniqués. Un souffle qui se perd, se reprend, s’interrompt en des fractions de suffocations, chaos désorganisé.
Cette ville souffrait et chaque détour de rue le hurlait.
L'ombre à la porte commença à se dessiner. Un flamboiement émanait d'elle en faible auréole. Des lampes qui venaient jouer d'iridescence dans une chevelure rousse probablement garnis en longueur. Ses traits restaient imperceptible à cette distance. Ombre anonyme qui s'étiolait dans la nuit. Seconde nuit à Nodotheim…
Il se tenait là, silhouette inextricable du reste des masses informes que la brume donnait à voir, hésitant entre passer son chemin et porter assistance. Dans un soupir, il alluma une miragette, signal bleuté perçant la blancheur froide de la rue déserte. Méhénil approcha d'un pas indolent, ses chausses buttant parfois contre l’anthracite du parvis.
L'ombre annihilait le calme et lui ne jouait pas l'aveugle.
Seconde nuit, et il n'allait pas retourner à la forge supplier pour le gîte. L'errant n'était plus ce gamin paumé qui allait chouiner prés de la vieille Béthnydé pour un peu de pain ou une couche. Il n'avait pas réellement laissé couler de larme, pas une fois, mais juste apparaître au seuil de sa porte équivalait toutes les suppliques pour lui.
Voler rarement, mendier jamais.
C'était comme un code d'honneur. Et pour un Sheig qui en était presque dépourvu, un peu d'honneur pesait lourd. Celui de ne pas dépendre de la pitié d'autrui était une fierté parfois des plus accablante.
Seconde nuit pour un jeune homme paumé.
Elle avait ses avantages, cette obscurité partielle des villes, comme celui de permettre de parcourir les rues commerçantes sans que le regard incessant du cyvir ne vous scrute. Disséquant avec dédain le moindre soupçon de péché dans l'attente, a peine cachée, d'un faux-pas. Le jour était l'angoisse, la nuit lui répondait en écho que les observateurs étaient esclaves de leurs yeux.
Oui, cette nuit, comme toute les nuits, se devait d'être calme et aveugle.
Méhénil arpentait les rues, puisqu'il le pouvait, montant lentement les pentes pavés vers un promontoire à flanc de montagne, une large place, bordée d'une rambarde de fer et de rouille, de laquelle l'on voyait, en contrebas, la basse-ville et la nouvelle-ville, plus au sud-est. (Ou bien était-elle bien plus ancienne, peuplée de ces bâtiments grandioses d'un passé révolu dans lesquels se gorgeait une fraîche noblesse)
Il frotta ses mains gantés et se calfeutra dans son épaisse cape.
Cette place… c'était là qu'il avait appris à quel point il était petit face au monde. Que tous l'étaient. Woran, comme les moins bien lotis.
Il était fatigué, sans repos depuis l'aube. Et pourtant, il avait le sentiment que le sommeil ne viendrait pas. Une nouvelle fois refusé.
Cette place de nostalgie. Sa main dans celle de sa sœur, leur frère en tête, avançant mêlés aux orphelins pour écouter la prêche du cyvir.
… Qu'était-elle devenue, d'ailleurs sa sœur ?
Il pouffa légèrement et, dans la frimas, ses yeux s’humidifièrent un peu plus.
Cette place équivoque de ce qu'il avait fuit. Là où il savait que rien ne le retenait, et ne le retiendrait jamais, dans cette ville.
Non loin, un fracas.
Une porte qui déchire un coin d'obscurité voilée de brume en un trait de lumière diffus qui vint se mêler aux lueurs éparses des réverbères. La curiosité le poussa à s’approcher, et bien vite une autre déchirure se fit ; celle du silence – durement négocié après le passage d'ivrogne – en des halètements paniqués. Un souffle qui se perd, se reprend, s’interrompt en des fractions de suffocations, chaos désorganisé.
Cette ville souffrait et chaque détour de rue le hurlait.
L'ombre à la porte commença à se dessiner. Un flamboiement émanait d'elle en faible auréole. Des lampes qui venaient jouer d'iridescence dans une chevelure rousse probablement garnis en longueur. Ses traits restaient imperceptible à cette distance. Ombre anonyme qui s'étiolait dans la nuit. Seconde nuit à Nodotheim…
Il se tenait là, silhouette inextricable du reste des masses informes que la brume donnait à voir, hésitant entre passer son chemin et porter assistance. Dans un soupir, il alluma une miragette, signal bleuté perçant la blancheur froide de la rue déserte. Méhénil approcha d'un pas indolent, ses chausses buttant parfois contre l’anthracite du parvis.
L'ombre annihilait le calme et lui ne jouait pas l'aveugle.
Tahn Celhán
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|